Du 13 janv. au 5 fév. 2022 :
mission à Djibouti

Du 13 janvier au 5 février 2022

Mission à Djibouti

La mission de recherche archéologique en République de Djibouti du Ministère français de l’Europe et des Affaires Étrangères et de l’IRAH à Djibouti (CERD), placée sous la direction scientifique de Jessie Cauliez (CNRS, UMR 5608 Traces, Toulouse), s’est à nouveau déployée sur le terrain du 13 janvier au 5 février 2022, à la suite de 2 années d’interruption.

La mission a lieu dans la région du bassin lacustre du Gobaad, à proximité du lac Abhé, au sud-ouest du pays. Avec une équipe de 16 chercheurs français et djiboutiens, les opérations se sont déployées autour de 7 volets.

La sépulture communautaire d’Antakari 3, datée du 3ème millénaire cal BCE et affiliée aux premiers éleveurs de la Corne de l’Afrique, a vu se poursuivre les fouilles des sépultures individuelles en fosse qui la caractérisent dans la partie du monument qui a été ouverte il y a maintenant une dizaine d’années. Ces travaux ont confirmé la séquence chronologique qui avait pu être établie sur la base à la fois de l’analyse des dépôts de sédiments qui abritent les inhumations et de la superposition de ces dépôts que montre le décapage minutieux des squelettes dans une perspective d’observation archéo-thanatologique pleinement assumée.

Cette année, il a été observé plusieurs cas de recoupement de sépultures, ce qui ajoute à la complexité de la succession des évènements sépulcraux qui ont finalement conduit, selon nos estimations, à inhumer dans cet espace funéraire communautaire près de 300 individus sous une plateforme circulaire de près de 17 m de diamètre venue sceller la nécropole. On ajoutera la découverte au cours des décapages de nouveaux et nombreux éléments de parure bien en place sur les squelettes, comme des bracelets de rondelles en ossements animaux ou encore des perles en teste d’œuf d’autruche qui ont été peintes en rouge, un élément qui n’avait pas encore été observé sur ce site.

La deuxième opération concerne le site d’Hara idé 3 qui livre des ossements humains datés d’environ 16000 à 12000 ans, période pour laquelle les données concernant le peuplement humain restent très rares dans l’Est africain. Ceci accorde au site d’Hara idé 3 une importance particulière pour l’étude des populations du début du Late Stone Age qui ont fréquenté ces lieux à deux reprises puisque l’horizon supérieur du même site livre également des vestiges d’occupation humaine datés d’environ 8000 ans sous la forme de foyers où ont été conservés des ossements animaux brûlés et quelques outils et éclats en obsidienne.

Cette année, la fouille de l’horizon intermédiaire a permis de découvrir un nouveau foyer qui confirme que le site a été fréquenté à plusieurs reprises alors que les conditions environnementales ont varié entre une période humide avec extension du lac Abhé au début des occupations à une période plus sèche pour la fin de celles-ci. L’étude des ossements humains par différentes méthodes d’analyse apporteront des informations précieuses pour comprendre à la fois l’origine et le mode de vie de ces populations très anciennes de chasseurs-cueilleurs.

Une troisième opération a concerné les sites d’habitat des premiers éleveurs d’Hédaito le Dora et Antakari nord-est. Sur ces deux sites organisés sous la forme de trous de poteau et d’aménagements à pierres chauffantes, il a été procédé au prélèvement de pierres chauffées extraites de structures de combustion par le spécialiste des datations par paléomagnétisme du programme. Il persiste en effet des incertitudes sur la datation précise de ces occupations (2ème, 1er millénaires cal BCE ?, 1er millénaire cal ACE ?).

Pour le site d’Hédaito le Dora, trois datations basses ne semblent pas correspondre au faciès céramique représenté sur le site, plutôt ancien. La datation des structures de combustion empierrées semble alors à explorer pour tenter de résoudre ce problème. Il y a là un enjeu important car si les datations basses se confirment, il sera nécessaire de revoir notre interprétation actuelle de l’articulation chronologique des traditions céramiques préhistoriques du sud-ouest de la République de Djibouti. Pour ce qui est du site d’Antakari nord-est, les prélèvements effectués cette année ont pour but de confirmer les fourchettes de datation obtenues précédemment par la méthode du carbone 14 sur matière organique ou fraction minérale de l’os.

Les recherches se sont poursuivies également dans le massif du Dakka, ce massif de corniches basaltiques ornées sur des kilomètres de longueur de gravures rupestres, au nord du bassin du Gobaad à Djibouti. Toutes ces gravures appartiennent à une période de l’histoire de la Corne de l’Afrique que l’on peut situer entre le milieu du 1er millénaire avant notre ère (vers – 500 ans.) et la période médiévale qui correspond à l’introduction progressive de la religion musulmane, du 8ème au 13ème siècle de notre ère. Cet art rupestre est principalement le reflet d’un mode de vie nomade ou semi-nomade fondé sur l’élevage des bovins et des dromadaires, ces derniers étant utilisés pour le commerce caravanier.

Cette année, les opérations de fouilles et prélèvements sur les sites archéologiques ont été complétées par une approche ethnoarchéologique des architectures en terre de la sous-préfecture d’As Eyla, région où se situent les fouilles. Cette opération a consisté à identifier et décrire de la façon la plus exhaustive possible les constructions en terre à usage d’habitation, qu’elles soient utilisées actuellement ou abandonnées, à décrire les chaînes opératoires d’extraction et de mise en œuvre de la terre à des fins architecturales.

Pour ce faire, outre un enregistrement photographique systématique, une enquête ethnographique a été menée auprès des usagers et auprès des artisans encore en activité dans ce domaine de compétence technique. Des échantillons à divers stades d’élaboration ont été prélevés pour étude en laboratoire, notamment à travers une analyse micromorphologique.

Les référentiels actualistes dans le programme concernent aussi la faune actuelle avec une approche spécifique conduite sur les prédateurs et notamment les hyènes qui occupent densément la région du Gobaad. Le but est de modéliser les comportements et les interactions entre l’homme et l’animal dans l’environnement actuel du lac Abhé où les populations sont des éleveurs au mode de vie semi-nomade. Il s’agit de comprendre la relation entre l’Homme et ce prédateur, d’étudier ses proies, son habitat et son mode de fonctionnement, ainsi que ses modes de consommation.

Le but est de disposer de modèles d’interprétation et de compréhension de leurs comportements, dans une perspective analogique au moment d’étudier les sites préhistoriques ayant livré des artefacts en rapport avec la présence de l’hyène sur les gisements archéologiques d’Europe et d’Afrique.

Parce que la région du Gobaad est aussi un réservoir de faunes fossiles exceptionnel (1,5 à 1,3 millions d’années), plusieurs prospections et sondages ont été réalisés de façon à décrire les contextes d’enfouissement des formes très anciennes d’éléphant, crocodile et hippopotame de l’Est africain.

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